Interview d'Exocet

Déplombeur CPC devant l'éternel

Réalisée en mai 2007 Maj le 02/06/07 !

Non, E-Bay n'est pas seulement le refuge des marchands du temple et de quelques collectionneurs aveugles. On y fait parfois des rencontres fortuites d'anciennes gloires du CPC, dont les noms resteront à jamais gravés dans les secteurs des disquettes 3 pouces. C'est ainsi qu'au détour d'une annonce anonyme, je suis tombé sur Exocet ! Petit rappel de criminologie informatique : pour ceux qui n'ont pas connus la déferlante CPC sur le monde de l'informatique personnelle, Exocet est un cracker français, faisant partie de ce que j'appelerai la "deuxième vague" , apparue début 1988, après Mc Spe et les Crack'Ers'Beuh'l'1 (pseudo totalement impossible à taper correctement du premier coup... ), contemporain de BDR, Cach, Barbe Bleue et consorts. Il a signé un nombre respectable de déplombages, dont quelques uns sont restés inédits (The great Giana sisters, par exemple).

J'ai donc demandé à Exocet s'il souhaitait répondre à quelques questions sur ses activités passées et son présent. Les voici !


Etat civil (pas obligatoire, tout ça !)

Je m'appelle Lionel, j'ai 39 ans et je suis actuellement cadre dans l'industrie.


Tes début dans le terrible monde de l'informatique personnelle ?

J'ai commencé par apprendre le Basic à l'école lorsque j'avais environ 16 ans. Ensuite, j'ai acheté mon premier ordinateur (un CPC 664 avec écran monochrome).


Comment en es-tu venu au cracking ?

M'intéressant de près à l'informatique, je voulais surtout savoir comment étaient conçus les jeux... avec lesquels, il faut dire, je n'aimais pas jouer. Je n'ai jamais été un fan du joystick, et seuls les jeux d'aventure (Orphée, Sram, Le passager du temps etc...) m'intéressaient. En explorant les programmes en langage machine, je me suis vite penché vers les protections (plus ou moins nulles) des éditeurs de jeux. En réalité, pour moi, c'était surtout un défi envers ces derniers : faire sauter en quelques minutes une protection qu'ils ont mis parfois des semaines à fabriquer, c'était mon seul but.


Quelles étaient tes motivations ? (bon, cette question fait peut-être double emploi avec la précédente... )

Ben oui, cette question fait double emploi avec la précédente... J'en profite pour dire ici que le déplombage me permettait aussi de faire passer quelques messages à l'intention des autres crackers.


D'ou vient ton pseudonyme (du missile, j'imagine :-) ) ?

Le célèbre missile est bien à l'origine de mon pseudo.


Quelles techniques et quels outils utilisais-tu ? Avais-tu bricolé des outils particuliers ?

Je n'ai jamais eu l'occasion de bricoler un outil spécifique pour la bonne raison que mes connaissances en électronique étaient plus que limites ! J'ai bien appris l'assembleur (traduction "lisible" du langage machine), mais surtout utilisé la fameuse MULTIFACE 2 lorsqu'elle est apparue sur le marché (d'ailleurs, cet objet ne fait pas encore partie de ma collection privée...), qui me permettait de figer la mémoire et ainsi de pouvoir la lire en temps réel. Mais surtout, j'essayais de me mettre à la place des créateurs des protections en me demandant : "comment j'aurais fait à leur place ?".


Le déplombage dont tu es le plus/le moins fier ?

Je ne suis ni fier ni peu fier de tous les cracks que j'ai réalisés, puisqu'à l'époque, je n'avais pas trop d'état d'âme. Malgré tout, j'étais conscient que je faisais quelque chose de mal.

Comment te procurais-tu les originaux ? (je me suis toujours demandé comment certains crackers faisaient pour récupérer autant de nouveautés)

J'avais à quelques 200 m de chez moi une boutique qui vendait des Amstrad et donc des logiciels. Et comme je me suis lié d'amitié avec le vendeur, tu imagines la suite !!!
Une autre solution consistait pour moi à avoir pas mal de contacts qui achetaient les dernières nouveautés. Mais comme ces personnes habitaient souvent à l'autre bout de la France, impossible de mettre la main sur l'original. Donc, je travaillait sur une copie, et si la protection consistait en une simple vérification (de la piste 42 par exemple), il était alors facile de la contourner.


A part les déplombages, as-tu participé à des projets CPC ? (jeux, démos, utilitaires, fanzines, etc.. )

Je n'ai pas eu l'occasion de participer à ce genre de projets. En fait, je crois surtout que je préférais "travailler" seul, même si j'ai eu l'occasion de rencontrer Mc Spe et BDR.


Quand as-tu cessé d'être "actif" ? Pour quelle(s) raison(s) ?

C'est en 1990 que j'ai rangé définitivement au placard mon CPC, pour plusieurs raisons : la fin de mes études (donc, le début dans la vie active), et surtout la montée en puissance et les plus grandes capacités des PC.


J'ai cru comprendre que tu avais toujours une belle brochette de CPC chez toi. Est-ce par pure nostalgie ?

Oui, par pure nostalgie... C'est dans une brocante que j'ai racheté il y a 3 ans, un CPC avec quelques disquettes, pour une modique somme. J'ai réparé la courroie, puis je lui ai donné une seconde vie. Depuis, j'ai fait l'acquisition des ordinateurs suivants : CPC 464, CPC 664, quelques CPC 6128, Atari 520ST, Amiga 500, ZX 81, MO5, TO7, TO8 etc...


Que penses-tu du CPC en 2007, et de ses derniers supporters ?

Je pense qu'il y aura toujours des nostalgiques pour les objets qui dépassent les 20 ans d'âge (on le voit dans tous les domaines, c'est cyclique !), mais je crains qu'ils soient de moins en moins nombreux, dans la mesure où personne ne prendra le relais par la suite. En effet, tous ceux qui ont mon âge et qui ont des enfants constatent que ces derniers se moquent pas mal des scrollings, des 16 couleurs en mode 0 et de la musique de nos vieux ordinateurs. Eux seront les nostalgiques des consoles Nintendo... dans 20 ans, ce que ne comprendont bien évidemment pas leurs propres enfants etc... J'espère en tout cas que les sites internet qui lui sont consacrés seront longtemps présents. Mon plus beau rêve serait de visiter un jour un musée à l'intérieur duquel se retrouveraient tous les passionnés des premiers ordinateurs familiaux.

EXOCET